- 10 juin 2024

Rencontre avec Johan TITREN, Directeur Impact Social et Environnemental, The Adecco Group

The Adecco Group fait partie des 33 premiers signataires de la Charte de la diversité, dès le 22 octobre 2004 à Paris. Pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte The Adecco Group a rejoint dès 2004 les premiers signataires de la Charte de la diversité ? 

 Au sein du Groupe Adecco, nous avons la conviction intime et profonde que chacune et chacun, quelle que soit sa différence, sa singularité, doit avoir les mêmes chances d’accéder, de se développer dans l’emploi et avec l’emploi.  

 Cette conviction est intrinsèque à nos métiers de services en ressources humaines et technologiques qui ont en commun de placer l’humain au cœur de notre action. 

Elle s’incarne dans les engagements historiques du Groupe en faveur de l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap et pour l’insertion des publics éloignés de l’emploi. Valoriser et donner leurs chances à tous les talents, c’est aussi affirmer le refus catégorique des discriminations.  

Dès la fin des années 1990, Adecco était engagé dans un programme européen d’actions auquel était également associé France Travail (ANPE à l’époque) et Les entreprises pour la Cité (IMS-Entreprendre pour la Cité) qui a donné lieu aux premiers programmes de lutte contre les discriminations à l’embauche. 

Cette mobilisation s’est poursuivie et lorsque la Charte de la diversité a été lancée en 2004, nous y avons été associés pour joindre notre expérience et notre voix dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, particulièrement celles liées à l’origine.  

Notre signature de la Charte n’était donc pas le fruit du hasard, mais la continuité de nos engagements et d’un travail collectif pour mettre le doigt sur un sujet difficile dans une société qui se veut universaliste, où les discriminations sont interdites mais où la réalité du marché de l’emploi nous amène à constater qu’elles existent. 

 

 Comment les engagements de la Charte de la diversité sont-ils déployés au sein de The Adecco Group ? 

Notre engagement contre les discriminations est historiquement structuré autour de 3 piliers : former, évaluer et accompagner. 

Sur le volet formation, nous avons mis en place le premier plan national de formation de l’ensemble des collaborateurs et des collaboratrices d’Adecco dès 2002 dans le cadre d’un programme européen au sein duquel participait également l’ANPE (devenue France travail) et IMS (devenu LepC). Cet effort de formation se poursuit sans discontinuité jusqu’à aujourd’hui. 

 100% des collaborateurs et des collaboratrices chez Adecco sont formés à recruter sans discriminer, non seulement les recruteurs, mais aussi l’ensemble de nos équipes quelle que soit leur fonction : cela fait partie du parcours d’intégration et des formations obligatoires au sein de l’entreprise.  

Nous déployons deux formations complémentaires pour nos collaborateurs et collaboratrices qui sont en interaction avec nos parties prenantes externes de façon quotidienne afin d’une part qu’ils développent les bons réflexes face aux discriminations et d’autre part qu’ils puissent avoir les clés pour faire face à une demande discriminatoire. Ce sont de véritables mises en situation avec analyse des réponses par une intelligence artificielle. Cela permet de bien analyser les comportements et de réaliser un véritable coaching individualisé en revenant sur les mots utilisés, les silences, les tocs verbaux… Dans nos dispositifs de lutte contre les discriminations nous avons une approche très innovante qui vise à faire de la non-discrimination une compétence à part entière. 

Le deuxième pilier fondamental de notre politique de lutte contre les discriminations est l’évaluation de nos pratiques de recrutement. Dès 2007-2008, nous avons réalisé une première opération de testing sollicité multi-canal (par téléphone, en physique et par mail) en partenariat avec ISM Corum. C’était tout à fait inédit à l’époque et nous avons même embauché des comédiens jouant de faux candidats se présentant en agences ! Depuis, nous renouvelons tous les deux ans une opération de mesure de la qualité et de la conformité de nos pratiques sous forme de testings sollicités, d’audits de nos bases candidats et de nos bases commerciales ou encore sous forme de campagnes d’appels mystères, en évaluant avec l’aide d’un tiers extérieur, les réponses faites à des demandes discriminatoires. Si le risque zéro en matière de discrimination n’existe pas, ces différentes mesures nous permettent d’évaluer la capacité de nos équipes à dire NON à la discrimination et dans une logique d’amélioration continue, de faire évoluer nos actions de formation et d’assurer in fine le professionnalisme de nos équipes et services.  

Notre 3e pilier, c’est accompagner : accompagner nos collaborateurs et collaboratrices, d’abord à partir de 1999 par la création d’un pôle de lutte contre les discriminations permettant de répondre aux questions et d’accompagner les équipes sur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer. Mais aussi à partir de 2005, par la mise en place d’un numéro vert, aujourd’hui remplacé par une adresse email et une application qui nous permettent d’assurer le traitement de toutes réclamations ayant pour motif une discrimination réelle ou supposée. Toute personne – collaborateur ou candidat intérimaire – qui a un doute sur le fait d’avoir été témoin ou victime de propos ou d’actes discriminatoires a la possibilité de contacter notre pôle de lutte contre les discriminations qui va instruire cette réclamation et y apporter une réponse. 

En complément de ces trois piliers et dans la continuité de notre signature de la Charte de la diversité, nous œuvrons pour faire de la non-discrimination un objet de dialogue social. C’est ainsi que nous avons signé un accord avec les organisations syndicales en 2007 et mis en place une commission paritaire semestrielle pour rendre compte de nos engagements et initiatives en la matière. A l’échelle de la profession, notre syndicat Prism’emploi s’est également saisi de ce sujet en signant un accord de branche de lutte contre les discriminations.  

 

Quelles sont les actions les plus significatives du Groupe Adecco en matière de diversité et d’inclusion ? 

Ce qui fait notre marque de fabrique, c’est la constance de notre engagement et de nos efforts dans la lutte contre les discriminations. Nous avons, avec d’autres, fait partie des premiers signataires de la Charte de la diversité à former nos équipes, à recourir au testing sollicité … tout n’a pas été parfait, nous avons rencontré des difficultés, mais un des éléments de fierté que nous pouvons avoir, c’est cette régularité dans l’effort et dans l’engagement de l’entreprise comme de sa Direction.  

La tolérance 0 face aux discriminations et la formation de 100% de nos collaborateurs et collaboratrices sont des éléments très forts que nous affichons par exemple dans toutes nos agences Adecco ou sur nos fonds d’écran. Aucune opportunité commerciale ne mérite de souscrire à la discrimination. Nous connaissons trop les effets de la discrimination sur les personnes, leurs impacts sur la cohésion sociale et leur coût sur le plan économique.  

Le Groupe Adecco se démarque aussi avec son approche innovante qui permet de s’adapter aux évolutions du marché du travail et pratiques de recrutement. Nous avons par exemple mis l’intelligence artificielle au service de la formation à la lutte contre les discriminations de nos collaborateurs et collaboratrices pour leur apporter un apprentissage pédagogique le plus personnalisé possible. 

Enfin, nous sommes tout à fait convaincus de l’intérêt de la coopération pour faire reculer les discriminations – et c’est aussi là, la force de la Charte de la diversité. Les 5000 signataires sont autant d’acteurs qui rendent le marché du travail et la société française plus inclusive et plus performante.  

 

Quels vœux formulez-vous pour la Charte de la diversité pour les 20 ans à venir ? 

Il faut saluer la réussite de la Charte d’avoir rendu visible la nécessité pour les employeurs de reconnaître ce phénomène de discrimination lié à l’origine et de mettre en place des actions pour y remédier. 

D’un mouvement très « parisien », la Charte rassemble aujourd’hui 5000 acteurs engagés, des grands groupes aux PME sur tout le territoire et a même inspiré des initiatives à travers l’Europe. La route est encore longue mais elle mérite d’avoir déjà entrepris une importante partie du chemin ! Plus nous sommes nombreux, plus nous valoriserons l’action de ceux qui sont engagés et plus nous marginaliserons ceux qui ne sont pas engagés. Aujourd’hui, une entreprise qui ne lutte pas contre les discriminations est une entreprise qui met en péril sa pérennité et sa performance sur le long terme ! 

D’un point de vue qualitatif, la mesure de l’engagement des signataires est quelque chose que l’on peut souhaiter à la Charte : il faut dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit avec des actions tangibles, mesurables, quantifiables pour souligner l’évolution.  

Il faut également poursuivre les coopérations public-privé, avec  France Travail ou le collectif Les entreprises s’engagent par exemple. 

 

Un dernier mot ? 

La Charte de la diversité permet de mettre en avant le fait que la lutte contre les discriminations est certes un sujet de société mais aussi une réalité du marché du travail dont les employeurs doivent se saisir ! La Charte met en évidence la nécessité à voir tous les talents et à lutter contre ces discriminations qui sont insupportables. C’est l’une des seules initiatives, si ce n’est la seule, qui porte la question de la discrimination liées aux origines. C’est essentiel d’avoir de telles initiatives proactives et valorisantes qui démontrent l’intérêt à agir. 


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