LGBTQIA+ : inclure un·e salarié·e transgenre ou intersexe
Le 16 juin dernier se tenait notre webinaire portant sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle en entreprise. L’occasion d’aborder cette thématique de la diversité encore trop souvent perçue (à tort) comme non prioritaire ou hors-sujet au sein des entreprises. Malmenée depuis le débat de société du Mariage pour Tous qui a profondément marqué les français et françaises, la question de l’inclusion des personnes LGBTQIA+[1] dans la sphère professionnelle se heurte aussi à des vieilles croyances. Pour Aurélien Beaucamp, responsable RSE chez Page Group : « Parler de soi, parler de sa vie, ce n’est pas parler de sa sexualité. Arrêtons de dire que le sujet relève du registre de l’intime ».
Des salarié.e.s qui préfèrent rester caché.e.s par peur du rejet, de moqueries ou encore de rester bloqué.e.s dans leur carrière ?
Un constat toujours d’actualité d’après le baromètre de l’Autre Cercle x IFOP, puisque seule 1 personne LGBTQIA+ sur 2 déclare être « visible » dans son entourage professionnel et 1 personne LGBTQIA+ sur 4 répond avoir été victime d’une agression LGBTQIA+ophobe au sein de son organisation.
De quoi alerter les directions et le top management quant aux multiples incidences que les discriminations provoquent sur la santé mentale de leurs collaborateurs et collaboratrices, dans une société ou l’hétérosexualité reste la norme et peut empêcher l’épanouissement au travail.
Personnes transgenres / personnes intersexes :
Pour rappel: le sexe est l’ensemble des caractères biologiques primaires et secondaires permettant de catégoriser les individus entre les femelles et les mâles; tandis que le genre est un concept psychologique, social et culturel, dont les caractères ne dépendent pas du sexe.
Une personne transgenre est une personne qui ne s’identifie pas à son sexe de naissance, contrairement à une personne cisgenre dont l’identité de genre correspond avec son sexe assigné à la naissance. Elle peut faire le choix, pour se sentir pleinement soi, de recourir à une transition et se sentir ainsi reconnue socialement et juridiquement dans le genre auxquelles elle s’identifie. A distinguer des personnes non binaires, qui quant à elles ne se reconnaissent dans aucun des deux genres ou dans les deux en même temps.
Une personne intersexe présente des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions traditionnelles binaires du corps masculin ou féminin. Ces caractéristiques peuvent concerner des caractéristiques sexuelles primaires telles que les organes génitaux internes ou externes, les systèmes reproductifs, les niveaux d’hormones et les chromosomes sexuels ; ou des caractéristiques sexuelles secondaires qui apparaissent à la puberté.
Point de vigilance : le mot « intersexe » se rapporte à des caractéristiques sexuelles physiques et non à un sentiment interne d’identité. Une personne intersexe peut aussi s’identifier comme trans, mais l’intersexuation et la transidentité sont des choses bien distinctes, car le sexe et le genre sont deux notions différentes[2].
Des discriminations plus persistantes en France :
Une entreprise est un lieu de travail, d’échanges et de construction du lien social où la vie personnelle et professionnelle s’entrecroisent. Pour autant, les croyances culturelles ancrées autour de la limitation vie privée/vie professionnelle perdurent en France. Une séparation qui explique entre autres le retard pris par rapport à d’autres pays européens ; comme en témoigne le dernier classement des 50 personnalités LGBTQIA+ les plus influentes du monde des affaires (publié chaque année par le Financial Times) où ne figurait… aucun Français[3].
Autre élément à retenir, seuls un quart des salarié.es LGBTQIA+ français sont convaincu.es des avantages d’être pleinement eux-mêmes au travail contre 40% au Royaume-Uni et 46% en Allemagne[4]. Révéler son identité de genre est même perçu comme un désavantage au travail pour 52% des personnes transgenres françaises[5] !
Un enjeu dont les entreprises doivent se saisir :
En 2022, « les personnes transgenres se suicident sept fois plus que la moyenne des Français[6] ». Une réalité bien sombre rappelant que le rôle de l’entreprise n’est pas seulement préventif. S’intéresser à la question de la transidentité et de l’intersexuation et mettre en place des mesures concrètes relèvent de son obligation d’assurer la sécurité de ses salarié.es. Son devoir est de faire partie de la solution, en conciliant respect de la personne et performance économique. Les bénéfices de cette démarche sont nombreux :
- Briser le tabou d’une vie hétéronormée pour permettre à toutes les personnes en poste de se sentir soi-même, en sécurité et avoir ainsi une meilleure confiance en soi,
- Prévenir les problèmes de santé mentale (notamment des périodes d’absence) et garantir les opportunités d’évolution professionnelle,
- Faciliter le recrutement de nouveaux et/ou jeunes collaborateurs et collaboratrices en témoignant de son ouverture.
Poser les fondements d’un cadre sécuritaire :
Retour sur quelques bonnes pratiques partagées par notre intervenant Aurélien Beaucamp, responsable RSE chez Page Group :
- La création d’une communauté, d’un réseau « Pride » et la constitution d’allié.e.s,
- La mise en place de partenariats avec des structures extérieures (exemples de SOS homophobie, l’association L Refuge…)
- L’accueil et l’accompagnement des personnes concernées : ne pas mégenrer (iel pour les personnes non binaires), et mettre en œuvre, si besoin, la transition administrative (changement de nom et de pronom, civilité). Une étape essentielle puisque cette identité interne constitue une preuve supplémentaire face à l’administration pour modifier l’état civil. En interne, cela peut passer par la modification des documents tels que : le badge, l’annuaire de l’entreprise, l’adresse mail ou encore l’organigramme,
- La mise en lumière de rôles modèles au sein de l’organisation et leurs témoignages,
- La déconstruction des stéréotypes: questionnement des constructions hétéronormées, et bonnes pratiques
- Le déploiement de sensibilisations internes
Vous êtes manager ?
Clarifier les besoins réciproques avec la personne concernée et aborder les étapes de la transition avec des questions telles que : – Comment envisagez-vous de communiquer en interne au sein de l’équipe comme en externe sur votre transition dans les semaines à venir (si interlocuteurs externes comme des prestataires) ? – Avez-vous besoin d’un aménagement particulier pour des absences et/ou déplacements ? |
Un dernier conseil : accepter que cela prenne du temps et privilégiez toujours l’empathie et la bienveillance.
Ne plus faire de la transidentité et de l’intersexuation un sujet tabou et faire émerger des équipes performantes où chacun se sente en confiance[7], tel doit être l’acte d’engagement fort des entreprises.
[1] Définition du terme LGBTQIA+ (issue de l’Autre Cercle) : lesbienne, gay, bisexuel.le, transgenre, queer, intersexe, asexuel.le et toutes les autres variations non majoritaires d’orientation sexuelle ou d’identité de genre
[2] Article Amnesty International
[3] Article Challenges
[5] Baromètre BCG x TETU de 2020
[6] Article Têtu Connect, interview exclusive Elisabeth Moreno
[7] Daniel Coyle, auteur de The Culture Code