Rencontre avec Mansour Zoberi, Groupe Casino
Entretien avec Mansour Zoberi, Directeur de la Promotion de la Diversité, de l’Egalité professionnelle et de l’Inclusion, Direction des Ressources Humaines Groupe Casino
Le Groupe Casino fait partie des 33 entreprises pionnières, signataires de la Charte de la diversité dès le 22 octobre 2004. Pour quelles raisons aviez-vous signé la Charte ?
La signature de la Charte de la diversité le 22 octobre 2004 coïncide pour le Groupe Casino avec les dix ans d’action du Groupe en direction de la lutte contre les exclusions, contre les discriminations et pour l’égalité des chances.
Dès 1993, nous nous sommes engagés pour les quartiers qui environnent nos établissements en mettant en place des actions d’insertion. Il s’agissait de comprendre l’environnement des différents magasins et ensuite de mener des actions avec un certain nombre de partenaires. L’idée était de travailler de manière différente avec ces quartiers.
Dès le 15 décembre 1993, nous avions signé une convention sur la participation de Casino au développement social urbain, la politique de la ville, en présence de Madame Simone Veil, alors Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville.
Notre engagement s’articulait autour de 3 axes : l’insertion professionnelle des habitants des quartiers, l’accompagnement du tissu local autour d’actions pour l’éducation et la mise en place d’un poste de médiateur dans les quartiers.
Nous étions donc engagés bien avant la Charte de la diversité, Casino faisait d’ailleurs partie des grands groupes français à l’origine de la création de la Fondation Agir contre l’Exclusion en 1993. Nous nous étions dans ce cadre engagés pour le développement économique dans les quartiers et avons ouvert le premier supermarché en plein cœur de Vaulx-en-Velin. Pour nos recrutements, nous avons utilisé la Méthode des Habiletés, aujourd’hui appelée Méthode de Recrutement par Simulation (MRS), qui permet de recruter des candidats sur la base des habilités. La MRS a été utilisée aussi lors de l’ouverture du supermarché de Vaulx-en-Velin en 1995, lors de l’ouverture de l’hypermarché de Roubaix en plein cœur de ville, ou à Argenteuil. Nous associons toujours les partenaires de la politique de la ville, les élus et nous utilisons des emplois jeunes dans le cadre de la médiation dans les quartiers.
En 2002, nous avons créé une Charte de développement durable dont le troisième pilier était la promotion de l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations et le cinquième pilier était déjà l’emploi des habitants des quartiers et la politique de la Ville
En 2001, la CFDT propose à Casino de participer à une expérimentation et d’être un terrain d’étude pour comprendre comment se déclenchent les phénomènes de discrimination en entreprise. La démarche était portée dans le cadre d’un projet européen LUCIDITE visant à conduire, au sein de l’ensemble du service public de l’emploi, des actions de lutte contre les discriminations raciales et les phénomènes de double discrimination en matière d’emploi et de formation.
C’est dans le cadre de ce programme européen qu’a été menée en partenariat avec ISM CORUM l’étude appelée « Etude sur les origines réelles ou supposées des salariés du groupe Casino ». Nous l’avons d’ailleurs rendue publique, car c’était l’une des obligations du Fonds Social Européen.
C’est donc tout naturellement que le Groupe Casino a été associé dès janvier 2004 au groupe de travail réunissant une vingtaine de représentants d’entreprises du CAC 40 et l’AFEP pour travailler à la rédaction de la Charte de la diversité proposée par le rapport « Les oubliés de l’égalité des chances » et que nous avons ensuite signé la Charte.
Comment avez-vous déployé vos engagements après la signature de la Charte de la diversité ?
Dans mon entreprise, j’ai été un fervent défenseur de la chose suivante : une Charte, c’est très bien car cela s’affiche et se voit. Ce qui régit ensuite les relations dans une entreprise, c’est l’accord d’entreprise. A la suite de la signature de la Charte de la diversité, nous avons donc préparé les éléments d’un accord d’entreprise que nous avons signé avec l’ensemble de nos organisations syndicales.
Nous avons ensuite formé l’ensemble de nos cadres RH et les partenaires sociaux.
Dans le cadre de nos engagements pour la diversité, nous avons recruté des femmes et des hommes de toutes origines et des quartiers. Ces femmes et ces hommes ont occupé différents postes au sein du Groupe et nous avons pu voir qu’ils étaient des collaborateurs comme tout le monde. Nous avons confirmé notre engagement pour les quartiers avec nos implantations à Vaulx-en-Velin, Argenteuil, Roubaix, Nîmes. Nous nous sommes engagés dans le cadre du Plan Espoir Banlieues, nous avons réitéré notre engagement avec le dispositif ‘Entreprises et Quartiers’, puis le PAQTE (Pacte avec les Quartiers pour Toutes les Entreprises)
Nous avons également organisé des testings sollicités dès 2006, et restitué publiquement nos résultats. Les trois premières éditions des testings étaient uniquement réalisées sur la question des origines, notre quatrième testing intègre la variable de l’orientation sexuelle.
Nous avons été la première entreprise en France à mettre en place un dispositif d’alerte professionnel (cellule d’écoute), en accord avec la CNIL, pour recueillir les observations ou plaintes en lien avec des faits éventuels de discrimination.
Notre engagement pour la diversité s’est ancré avec la signature du groupe Casino « Nourrir un monde de diversité », qui rappelle notre engagement à faire vivre la diversité sous toutes ses formes : diversité des formats de magasins, diversité des produits (produits traditionnels), diversité des fournisseurs, et aussi diversité des collaborateurs. Par cette signature « Nourrir un Monde de Diversité », le groupe Casino a inscrit dans son ADN la promotion de la diversité.
Nous avons obtenu le Label diversité dès avril 2009. Après les renouvellements successifs, nous sommes arrivés à ce que toutes les sociétés du Groupe Casino en France soient labellisées.
Notre accord diversité est désormais un accord permanent que nous avons appelé « Accord d’égalité des chances, de cohésion sociale et de promotion de la diversité ». L’accord est reconduit d’année en année.
Pour accompagner nos collaborateurs sur ces sujets, nous avons également déployé toute une série de guides pratiques sur les thématiques de la diversité : guide sur la diversité liée aux convictions religieuses, guide sur l’orientation sexuelle, guide sur l’apparence physique, sur le handicap, sur le sexisme ordinaire en entreprise, et sur l’intergénérationnel. Les deux derniers en date ont été réalisés sur les sujets des violences intrafamiliales et sur le cancer au travail.
Après vingt années d’engagement, que peut-on souhaiter à la Charte de la diversité pour les années à venir ?
La Charte de la diversité est un outil important. Nous avons réussi à mobiliser les entreprises et elles ne sont pas 5000 pour rien. La Charte montre l’engagement de l’entreprise, mais elle peut aussi être une source, une plateforme pour identifier des idées nouvelles. Et puis cela permet de montrer la force du mouvement.
Je souhaite que le portage et le pilotage de la Charte puissent être renforcés, en renforçant notamment la mesure des réalisations des entreprises signataires.
Chez Casino, depuis que nous avons arrêté les testings sollicités, nous réalisons des baromètres de perception de la diversité et de l’inclusion. Avec un baromètre, il est possible de mesurer auprès des collaborateurs l’efficacité des actions mises en oeuvre.
Concernant les critères de discrimination et de diversité, je pense qu’il faut traiter la diversité dans sa globalité, il ne faut pas qu’il y ait un champ qui soit privilégié par rapport à un autre. Tous sont complémentaires. Il ne faut pas discriminer dans la discrimination, il faut être logique. La diversité évolue.